La réponse courte?
Pourquoi pas!
D'accord, cette réponse parait un peu stupide, alors laissez moi détailler. Arrive un âge où l'on se rend compte que 'sortir du cadre' demande plus d'énergie qu'auparavant. Alors tant que j'ai de la ressource, ne pas l'utiliser serait du gâchis.
Car j'ai la chance de pouvoir le faire : j'ai la capacité physique, le droit (passeport, permis moto...) et les moyens financiers. Je suis parfois impressionné par les combats quotidiens que mènent certaines personnes handicapées ou démunies et je ressens que je dois profiter chaque jour de cette chance pour me dépasser. Carpe diem, quam minimum credula postero.
Je reconnais que les conditions que ce 'road trip' sont singulières. D'ailleurs, une autre question revient fréquemment: 'un trajet aussi long, ce n'est pas ennuyeux'? Considérant la géographie de l'Australie, c'est probable, mais c'est en fait désiré. Nous avons tous besoin de prendre du recul sur notre condition, fermer les yeux sur le regard des autres pour nous définir par rapport à nos valeurs propres. Sollicité par de multiples réseaux, autant sociaux qu'artificiels (au point de ressentir une forme de harcèlement au début du confinement en 2020), agressé par d'incessantes démarches marketing (publicités, démarchage téléphonique, spam...) chirurgicalement étudiées pour nous influencer, cette 'retraite' australienne est pour moi régénératrice. C'était un pressentiment un peu insoupçonné lors de la genèse de ce périple, mais qui a pris durant la préparation une place grandissante.
Partir seul n'est pas un choix, mais une conséquence des conditions extraordinaires de ce voyage. Sur de longues durées, l'imprévu est omniprésent : détours d'itinéraire pour découvrir des sites d'intérêt, météo, fatigue, pannes... Les concessions se multiplient avec la taille du groupe et la longueur du trajet, jusqu'à saper le plaisir de partager l'aventure. Humblement, j'ai tenté de ne faire qu'une partie du trajet, à deux, mais sans succès.
Les voyages forment (et entretiennent) la jeunesse
Je n'ai jamais autant préparé un voyage. Confinement oblige, les heures se sont muées en semaines, en mois puis en années d'acculturation. A l'image du petit poucet, j'aime bien comparer mes souvenirs de voyage à de petites pierres blanches qui jalonnent le chemin de mon existence. Celui là est indéniablement un roc, un amer rassurant pour guider mes futures traversées.
Je ne remercierai jamais assez mes parents de m'avoir permis dans ma jeunesse de voyager dans plusieurs pays, de cultures et de niveaux de vie variés. L'histoire, la façon d'aborder la vie, le lien à l'autre, le lien à l'environnement, la langue, la musique, la façon de se nourrir, de se divertir, de consommer... il y a toujours des choses à découvrir, sur les autres et sur soi. L'effet est décuplé en quittant ces palais des glaces que sont les hôtels internationaux, tous fondus dans le même moule, et en s'échappant assez longtemps pour s'immiscer dans les habitudes des populations.
En cela, le choix de la moto n'est pas anodin. Certes, j'aime beaucoup conduire en deux roues. Mais je sais aussi que ce type de véhicule crée du lien. Que ce soit pour son originalité, pour l'image de fragilité que l'on peut lui associer, ou même pour la désinhibition que procure le sourire du motard extatique, elle facilite la discussion. Le plaisir de rouler est une des raisons de la durée de ce voyage : le temps passé à m'immerger dans le pays sera amputé de longs trajets routiers indispensables à la visite des régions, assez diverses mais toutes exotiques.
Parlons d'exotisme. Pour ne pas prendre de risque déraisonnable, un pays 'développé' m'a semblé préférable pour partir en camping moto itinérant. L'exotisme est alors limité. Mais en Australie la faune, flore, le climat, l'histoire aborigène et coloniale récente... m'ont beaucoup attiré. Et tandis que, dans d'autres pays similaires, la liberté est progressivement prise en otage par la standardisation d'entreprises obèses - Wallmart, Apple, General Motors, Amazon,..., l'Australie me semble avoir gardé de cette liberté grisante que l'on ressent à l'aube de l'âge adulte. J'adore cette sensation du 'tout est possible' et je ne serais pas surpris que nous partagions ce gout, exacerbé par des contraintes, sanitaires ou non.
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